L'oeil du léopard, Henning Mankell

Publié le par Arianne

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Quel étrange destin que celui de Hans Olofson ! Jeune suédois, il vit avec un père blessé d’avoir raté sa vie de marin et qui, à défaut de pont, brique le sol de la cuisine les nuits de grand désarroi (et de forte alcoolisation !).

Avec son meilleur ami, Hans Olofson s’échappe de ce quotidien étouffant et rencontre l’étonnante Femme-sans-nez, qui, du statut de monstre, acquiert bientôt celui encore plus déconcertant d’amie, de confidente, de mère, d’amante. Un double drame va sceller le destin de ces trois solitudes et emmener Hans Olofson au-delà de tout ce qu’il aurait pu imaginer.

Le voilà en Afrique sur les traces du rêve inaccompli de Janine. Parti pour un court séjour en Zambie, le temps de rejoindre la terre d’un ancien missionnaire suédois, il y restera près de 20 ans.

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En pleine crise de paludisme, Hans Olofson se souvient. Il remonte le fil de l’histoire pour tenter de percer le mystère de cette vie écoulée loin de chez lui. Comment comprendre cette vie qui l’a mené à reprendre une ferme de production d’œufs au fin fond d’un pays soumis à une violence incontrôlée, piégé entre les natifs hostiles et les colons racistes.

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Afrique 1, Francis Moreeuw

On suit avec fascination les tribulations de notre Suédois en Afrique dans une chronologie décousue qui accentue encore le décalage de culture des deux nations. La tension monte progressivement jusqu’à nous glacer le sang – on n’oublie pas alors que Mankell est un des maîtres incontestés du polar ! Si j’ai trouvé le style parfois un peu maladroit – L’œil du léopard a été écrit en 1990, soit au tout début de l’œuvre de Mankell – l’histoire est assez passionnante pour le faire oublier. Entre récit d’aventures, roman initiatique et roman noir, ce livre nous donne à voir une peinture de l’Afrique loin d’une vision enchantée : les couleurs chaudes laissent ici la place au noir de la nuit dangereuse et au rouge du sang versé ; les chants et les rythmes sont remplacés par les aboiements continus des chiens et les cris de terreur ; de l’accueil légendaire et chaleureux ne reste que la méfiance et la duperie. Seul au milieu de 200 employés, il ne peut faire confiance à personne. Le danger est partout, la violence couve, prête à exploser.

Un roman sombre où les personnages traînent leur solitude et leurs blessures sans espoir de happy end. De très belles pages sur les relations Blancs/Noirs, sur la complexité de la compréhension de l’Afrique et plus globalement sur les liens entre individus.

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Henning Mankell

« Au bout de dix-huit ans, je m’étonne toujours de me réveiller le matin et d’être encore en vie. Tous les soirs je vérifie mon revolver, je fais tourner le barillet pour m’assurer que personne n’a remplacé les cartouches par des douilles vides.

Moi, Hans Olofson, j’ai appris à supporter la plus grande des solitudes. Jamais auparavant je n’ai eu autour de moi autant d’êtres qui demandent mon attention, attendent mes décisions tout en me guettant dans l’obscurité et en me surveillant de leurs yeux invisibles.

Mon souvenir le plus net est celui où je suis descendu de l’avion à l’Aéroport international de Lusaka il y a dix-huit ans. Je puise force et courage dans cet instant et j’y reviens sans cesse. Mes intentions et mes projets étaient alors encore clairs…

Aujourd’hui, ma vie n’est plus qu’une errance à travers des jours teintés d’irréalité. La vie que je mène ici n’est ni la mienne, ni celle d’un autre. Je réussis autant que je rate ce que je décide d’accomplir.

Je suis constamment étonné par ce qui s’est passé. Qu’est-ce qui m’a conduit ici ? Qu’est-ce qui m’a fait entreprendre ce long voyage d’une Suède recouverte de neige vers une Afrique qui ne m’a jamais demandé de venir. Je n’arrive pas à comprendre la manière dont ma vie s’est déroulée. »


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